GALERIE RX

Pauline Guerrier x forte_forte

Corde Vocali

« Corde Vocali » naît de plusieurs rencontres, Giada Forte, Pauline Guerrier, Erwin Aros et nous invite à une pause réflexive. A partir de planches anatomiques de cordes vocales esquissées par Pauline Guerrier, l’artiste et Giada Forte modélisent, avec leurs médiums respectifs, l’organe de la phonation.

 

L’exposition Corde Vocali explore la voix et la richesse métaphorique qu’elle inspire.

Une installation et une composition de tableaux présentés sous la forme de fresques, entre décors et paysages abstraits, nous plongent au cœur de l’anatomie et donnent à voir ce que normalement on ne peut qu’entendre.

Si le phénomène vocal porte en lui les sillages du genre, il laisse aussi entrevoir une ambivalence profonde de sa relation au féminin et au masculin. Pauline Guerrier et Giada Forte s’affranchissent de ce clivage et questionnent ainsi la construction de l'identité et la possible émancipation du corps et de l’esprit. Un monde fantasmagorique où l’appartenance à un genre n’aurait finalement plus d’importance.

En observant l’organe de la phonation depuis l’intérieur, de par la forme sensuelle qu’il revêt, Pauline Guerrier saisit les ambiguïtés de cette partie de l’anatomie. Elle livre une interprétation où chaque œuvre, dans un clair-obscur, peint une conscience progressive des expressions et répressions de soi, suivant ainsi la chronologie qui nous est proposée : la naissance, la mue, l’acceptation.

Pour la réalisation de ses œuvres, Pauline Guerrier utilise et interprète les tissus d’archives forte_forte. Les matières brutes et rigides mais aussi soyeuses et fragiles sont autant d’allusions aux tissus qui tapissent l’anatomie. Chaque bande de tissu, déchirée puis minutieusement plissée et assemblée par couche, forme les multiples lignes de fuite qui parcourent les frises et dessinent les aspérités des cordes vocales.

Giada Forte aborde cette réflexion via son médium, le vêtement, lieu de constitution et de contestation du genre. Elle se libère de toute figuration classique et imagine des silhouettes aux allures de mystère qui se jouent des stéréotypes féminins et masculins.

Par un tissage subtil, les vêtements sont déconstruits et recomposés, l’intérieur vit à l’extérieur : les jacquards tissés en lin, la toile de coton mal filée, l’organza de soie, la popeline craquante... Ce jeu de matières dissonant échappe à toute classification, la finesse s’oppose à la robustesse. Dans les transparences, les fibres des tissus se superposent à celles de la peau. On distingue des nuances sourdes telles que le bleu nuit et le noir en opposition aux couleurs féminines comme le rose poudré et l’écru.

L’expérience sonore et immersive relie chaque élément de l’exposition à la faveur d’une programmation d’Erwin Aros extraite de trois œuvres : L’humana Fragilita de Monterverdi, Tis Nature’s Voice de Henry Purcell et la Barcheta de Reynaldo Hahn. Il en émane une atmosphère contemplative où la voix (contre-ténor) haut perchée dans les aigus est comme suspendue. Elle nous rappelle que les canons de la voix masculine se sont avérés variables au cours de l’histoire.

Cette exposition nous invite à une déambulation dans “les limbes heureuses d’une non-identité”.

 

Christine Tilleke – Commissaire

 

 

Pauline Guerrier, née en 1990, est une artiste française protéiforme et intemporelle. De ses voyages et recherches, elle tire des techniques ancestrales, des rituels sans âge, en quête de liens entre les sociétés et les Hommes. Ses œuvres rendent visibles ce qui nous unit et interrogent le présent à l’aune du passé. Sans médium de prédilection, travaillant autant l’art du tissage, de la céramique ou encore du vitrail, toute matière est bonne pour ritualiser et mystifier. Son œuvre, étendu dans le temps, l’espace et les psychés, prête à voir un monde pluriel et harmonique, dans lequel sonne et résonne une ambition esthétique et méditative, d’une sacralité syncrétique et modeste.

Diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts en 2014, ses pièces parcourent les foires internationales et sont présentes dans des collections reconnues : à la Villa Datris, à la Fondation Zinsou, au Domaine des Etangs. Elle vit et travaille sur Paris et est représentée par la galerie FOCO de Lisbonne.

 

forte_forte, un projet né de l’entente entre une soeur et un frère. Héritiers d’un savoir-faire familial, Giada et Paolo Forte vivent en Vénétie, là où leur grand-mère puis leur mère détenaient une bonneterie. Elles y confectionnaient les étoffes des grands créateurs de mode de l’époque. De cette enfance à jouer entre métiers à tricoter et bobines de fil, Giada s’imprègne de l’art du tissage et développe une sensibilité pour le tissu, ses textures et ses couleurs. Après des études en Angleterre, son retour en Italie marque les débuts de forte_forte, qu’elle forme avec son frère, avec le désir seul de créer quelque chose de personnel, qui leur ressemble. Giada représente l’âme stylistique, Paolo la vision stratégique. Ils sont accompagnés par Robert Vattilana, directeur artistique et compagnon de Giada.

Les vêtements signés forte_forte révèlent une liberté où la tradition du passé et la vision créative du présent s’entremêlent harmonieusement.