RX | Paris, le Marais

Christian Lapie

Au-delà

Il s'agit de la seconde exposition personnelle de Christian Lapie à la Galerie RX Paris, réunissant 9 sculptures en bois de chêne, toutes créées en 2021. Son travail avait déjà été présenté lors de l'invitation lancée par Chantal Colleu-Dumond (directrice du Domaine de Chaumont-sur-Loire) dans le cadre du format 4+4, figurant rétrospectivement comme une avant-première de son exposition 2020 : L’obscurité des origines.

 

Des titres comme des haïkus japonais

L’ombre haute, Au bout de l’invisible, Regarder l’espace, Le signe fondateur, L’épaisseur du ciel, La matière du Monde, L’obscur miroir... Christian Lapie attache un soin tout particulier aux titres de ses œuvres. « Je veux qu'ils soient comme un haïku japonais, comme un indice poétique pour un imaginaire, il faut que l'œuvre soit comme un poème ».

Mais les titres traduisent également une préoccupation qui semble tourner en boucle dans l'esprit de Christian Lapie, une question jamais résolue comme le montre sa dernière exposition intitulée L’obscurité des origines : celle de l’Au-delà. En se plaçant hors du temps humain, en proposant un langage artistique qui tend à l'universalité, l'artiste rejoint la quête de transcendance et de spiritualité que porte les êtres humains depuis les premières grottes ornées. Là se joue le besoin de « l'Homme de marquer de façon spirituelle son temps et sa relation au cosmos qui me paraît évidente ». Et de prolonger la réflexion avec les mots de Paul Klee : « L’art joue sans s’en douter avec les réalités ultimes, et néanmoins les atteint. Nous imitons dans le jeu de l’art les forces qui ont créé et créent le monde ».

« Pour mon exposition à la galerie RX, je voudrais qu'on puisse dire ''il y a du sacré dans ces œuvres'' et comme l'écrit Régis Debray : on n'échappe pas au sacré, si vous lui tournez le dos, il vous fera les pires ennuis. Le sacré déborde le religieux, comme la transcendance déborde le surnaturel ».

Si chacun peut y voir des totems, des gardiens, des guerriers, des héros antiques, il s'agit de « figures » pour Christian Lapie, des ombres redressées qui invitent à élever l'esprit et l'âme, symboliquement comme humainement.

 

Une exposition minimaliste

Christian Lapie choisit volontairement de présenter peu d'œuvres pour une exposition très simple et sobre, privilégiant tout autant les sculptures que les espaces qui les entourent. Il s'agit là d'une véritable écriture spatiale, alternant ce qui pourrait être des coups de crayons au fusain et des vides pour jouer une partition visuelle. Alors, le temps est comme suspendu, maintenu en un point d'orgue qui nous invite à la contemplation. Le rythme entre ces silences et ces bois est donné par la mise en espace de ces œuvres qui ne sont jamais présentée de façon frontale, Christian Lapie préférant le surgissement ou la surprise.

Si l'artiste est célèbre pour ses sculptures monumentales pouvant atteindre des 7 mètres de haut, celles qu'il a conçues pour la galerie sont de dimension plus raisonnable : une assez grande sera placée sous la verrière et autour, 6 autres (entre 1,70 et 2,50 mètres). « Parfois, elles composent des groupes de plusieurs figures issues d'un même arbre qui a été fendu en plusieurs morceaux. Je suis très attaché à cette idée de l'unité fondatrice d'où naît le multiple ».

 

L'artiste

Christian Lapie est né en 1955 à Val-de-Vesle en Champagne-Ardenne, dans la ferme familiale où il réside depuis 1979, après ses études à l'École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris. Peintre à ses débuts mêlant toute sorte de matériaux, il trouve son véritable langage artistique après une expérience fondatrice : en 1992, alors qu'il est invité à participer à une exposition collective au musée d'art moderne de Rio dans le cadre du « Sommet pour la terre », il se rend compte que son discours ironique et politique s'adresse à un monde de l'art contemporain occidentalo-centré. Il veut alors créer une œuvre qui s'adresse à tous, quelque soit la culture, le pays, « que chacun puisse faire sienne et pour laquelle on ne puisse ni donner l'origine, ni l'époque, qu'elle soit un signe symbolique universel » comme il l'exprime.

Depuis, il a installé ses grandes « figures » sur tous les continents, de l'Inde au Canada, en passant par le Japon, le Cameroun, la France… et tout dernièrement à Minorque, tissant ainsi un réseau international d'où rayonnent ces effigies protectrices et bienveillantes.