RX & SLAG, Paris

H.K. Kwon

Lignes avec vue

VIEW IN ROOM

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Voir le paysage, être dans le paysage... Difficile de vivre les deux à la fois. Voir le paysage n’est-ce-pas considérer les lieux, la végétation, les points de vue qui sont autant d’images ? Je regarde une scène, une situation, peut-être un décor, ou un « théâtre philosophique » ? Un paysage s’offre à nous et nous l’interprétons. Être dans le paysage n’est pas la même histoire. C’est être dans la nature qui nous entoure, nous englobe, nous avale peut-être ? Nous remarquons, alors, la disparition d’un arbre, un rocher qui se délite, les traces d’animaux de passage. Le ciel est un paysage qui, comme chez K.D Friedrich, permet de contempler de fascinants orages. S’il n’est pas cette représentation, il nous submerge de pluie ou nous aveugle de brume jusqu’à perdre la vue. Comment parvenir à vivre ensemble ces sensations distinctes ? Être, dans le même temps, celui qui regarde et celui qui est saisi, tout entier, grâce à « la chose » peinte. La peinture de H.K. Kwon fait, profondément, vivre cette expérience qui nous dédouble et nous rassemble. La peinture de H.K. Kwon est un pont.
En entrant dans son atelier, à Séoul, cette sensation guide les premiers pas. Je perçois ce qui est peut-être une colline et qui ne l’est nullement mais plutôt une masse picturale en mouvement.
H.K Kwon nous livre à cette ambivalence, par la construction même de ses toiles qui sont, depuis 2021, divisées en géométries rectangulaires qui nous confrontant, par séquences, à ce que nous appellerons des horizons. Ils se répètent de haut en bas. Peut-on dire que nous les reconnaissons ?
Ils sont créés par les traces de la brosse qui s’arrêtent et qui figurent, ainsi, une limite inférieure se confrontant à la limite supérieure de la séquence suivante. Ces larges zones créent des espaces parcourus de coups de pinceaux, visibles en transparence et recouverts par les surfaces évoquées. Elles ne sont, littéralement,
que surfaces comme nous pourrions l’écrire pour les tableaux d’Agnès Martin ou de Brice Marden, mais ne sont-elles pas, tout autant significatives de la perception d’une réalité éloignée par la bruine, d’un écran obsolescent, d’un rideau révélant et masquant les figures qui se trouvent, en une matière commune, au premier plan et au delà.
H.K Kwon plonge notre vue dans un espace physique et mental « entre-deux », un espace infra-mince où le peintre cherche le contact avec le monde, manifesté par le désir d’être avec les mouvements du réel, c’est-à-dire avec notre vue et notre corps. H.K. Kwon joue de ce désir avec tous les moyens de la peinture et du dessin. Il lance ses lignes qui ramènent dans leurs filets nos regards, grâce aux traversées horizontales où la terre se déplie.

Olivier Kaeppelin